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Le CNVR réinvente la nature et l’utilité de ses archives

 

Création d’une nouvelle référence internationale pour faire des archives un agent de changement social

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) réinvente la nature et l’utilité de ses archives, en entreprenant un projet ambitieux visant à réorganiser et à décoloniser ses données, grâce au financement du Fonds d’innovation de la Fondation canadienne pour l’innovation. 

Raymond Frogner, directeur des archives au CNVR, a reçu 2 411 773 $ pour l’équipe du projet national qu’il dirigera pour reconstruire l’architecture numérique du Centre. Le financement a été annoncé le 3 mars 2021 par l’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. 

« Les documents conservés au Centre national pour la vérité et la réconciliation sont d’une importance primordiale pour l’avenir du Canada, et je félicite le CNVR pour ses efforts en vue de réinventer la façon dont ses archives peuvent être plus utiles à l’ensemble de la population canadienne. Son projet est un changement de paradigme, a déclaré Catherine Cook, vice-présidente (autochtone) à l’Université du Manitoba (UM). L’Université du Manitoba est fière de soutenir le travail du CNVR. »

À l’heure actuelle, le CNVR a accès à environ 5 millions de documents, compartimentés dans diverses bureaucraties du gouvernement et églises. À l’origine, l’information avait été recueillie par ces établissements pour répondre à leurs besoins coloniaux, et il n’a jamais été question de relier les points de données de manières constructives. Ce nouveau projet s’attaquera à la tâche herculéenne d’extraire les faits de ces documents. Au lieu de se concentrer sur les établissements, on s’intéressera aux personnes. Par exemple, les futurs utilisateurs des archives pourront suivre les déplacements d’un élève entre le pensionnat, l’hôpital et tout autre endroit où il était transporté par les colons.

« Les pensionnats indiens étaient un projet d’ingénierie sociale du gouvernement fédéral qui visait à effacer essentiellement les cultures autochtones du paysage canadien, déclare M. Frogner. Dans un sens, les dossiers détenus par le CNVR sont tout à fait les dossiers institutionnels et administratifs de l’exploitation coloniale de ces pensionnats indiens… Toutefois, ces dossiers sont plus que les dossiers administratifs des pensionnats. Ils relatent certains des événements les plus profondément importants dans la vie d’un enfant, et leur donner des voix autochtones, c’est les décoloniser. »

Ce projet prendra quatre ans à achever et maintiendra un engagement soutenu envers les communautés autochtones à mesure que les projets évoluent. Il comprend de nombreux membres de plusieurs établissements, y compris l’Université du Manitoba, le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Winnipeg et l’Université Ryerson et l’Office national du film du Canada.

Les photographies sont un autre exemple de façon dont l’information sera décolonisée. Bien des enseignants ont pris des photos de l’intérieur des pensionnats indiens, et l’information qui s’y rattache provient uniquement de l’enseignant. Ce nouveau projet permettra aux survivants d’expliquer le contexte de ces images de leur perspective, approfondissant grandement notre compréhension de ce qui s’est passé.

« Il fut un temps où les survivants ne parlaient pas de notre expérience dans les pensionnats indiens, déclare Levinia Brown, membre du Cercle de gouvernance du CNVR et survivante. Les choses commencent à changer, et nous devons rendre hommage à ces voix qui ont été assez courageuses pour exprimer leur douleur. Le travail à faire grâce à cette subvention est tellement important, non seulement parce qu’il préserve nos mots, mais aussi parce qu’il les mettra à la disposition de tout le monde, y compris les générations à venir. C’est une mesure primordiale que nous devons prendre pour nous assurer que cette histoire ne se répète pas. »

Le système à code ouvert qui sera développé permettra à bien d’autres partenaires d’accéder aux données de manières constructives.

Parlons maintenant du Centre d’élaboration de la politique des soins de santé de la Faculté Rady des Sciences de la santé, qui utilise depuis des décennies des données anonymisées sur la santé pour mettre en lumière les problèmes de santé de la communauté. À mesure que le CNVR organise les dossiers en fonction des élèves individuels, un seul dossier virtuel sera créé. Le Centre d’élaboration de la politique des soins de santé pourra utiliser ces nouveaux dossiers pour examiner les conséquences contemporaines en aval sur la santé et le bien-être des traumatismes subis dans les pensionnats. Ce sera la plus grande étude de ce genre jamais entreprise (les Pays-Bas ont fait un travail semblable sur les effets de la Seconde Guerre mondiale, mais pas de la même envergure que l’exige ce projet).

Le CNVR organisera également des séances de formation pour habiliter les collectivités à analyser statistiquement les données détenues dans ce nouveau format pour pouvoir se faire leur propre idée, en leur permettant de travailler directement avec les documents d’origine au lieu de demander l’aide d’un chercheur.

« Les communautés, les survivants et les membres des familles ont encore tellement de questions sans réponse à propos de ce qui s’est passé dans les pensionnats indiens et des conséquences intergénérationnelles du système de pensionnats indiens, dit Ian Mosby, membre de l’équipe de projet et professeur adjoint d’histoire à l’Université Ryerson. Pourtant, encore aujourd’hui, les archives qui pourraient leur fournir des réponses sont presque totalement inaccessibles pour les gens ordinaires. En rendant les données et les archives détenues par le CNVR accessibles aux communautés et aux chercheurs communautaires, nous habiliterons les communautés et les personnes à prendre en charge leur propre histoire, ce qui est tout simplement impossible pour l’instant. »

Le projet créera une nouvelle référence internationale en matière de politique du patrimoine culturel, de gestion des droits des Autochtones, de méthodologies de recherche et d’enseignement pour les Autochtones et de perspectives autochtones du développement des TI.

« Il reconnaît que, comme les droits de la personne et la mémoire publique, les archives sont attribuées par la société, déclare M. Frogner. Cette reconnaissance est assortie de la responsabilité pour les archives de se repositionner en tant qu’agent de changement social ».

Le CNVR conserve également ses vastes dépôts d’enregistrements audiovisuels — plus de 7 000 enregistrements — avec l’aide du collaborateur du projet, l’Office national du film du Canada, afin que tous les enregistrements faits par la Commission de vérité et réconciliation du Canada soient disponibles pendant des générations.

La recherche réalisée à l’Université du Manitoba est soutenue en partie par le financement du Fonds de soutien à la recherche du gouvernement du Canada.

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